Partie 2 : La guerre aux scolytes est déclarée
L’humus qui tapisse le sol des sous-bois est le résultat de la décomposition des feuilles et des bois morts.
Les acteurs principaux sont de petits coléoptères qui participent, en association avec des champignons microscopiques, à la décomposition des bois morts.
La population est autorégulée par la quantité de matière organique à transformer. Parmi ces petits coléoptères il en est un dont le nom vous est peut-être connu, le Scolyte.
Le scolyte, un ennemi à éliminer ?
L'epicea, une proie affaiblie
Malgré le débardage massif la quantité de bois laissé sur place fut bien plus importante, nos petits coléoptères se reproduisirent pour faire face au défi qui se posait à eux, décomposer des millions de mètre-cubes de bois mort.
Il leur fallut près de 20 ans pour accomplir cette tâche, et lorsque le travail fut terminé, l’armée des coléoptères se trouva à cours de matière première.
Elle commença à ne plus attendre que le bois soit mort pour le transformer, ils décidèrent de s’attaquer aux arbres affaiblis.
L’un d’eux, le Scolyte typographe et son compagnon de malheur, Le Bostryche typographe, sont devenus des gloutons qui dévorent les conifères affaiblis, comme l'épicéa, le mélèze, le sapin de Douglas et le sapin blanc.
Le dérèglement climatique en cause
Le réchauffement climatique, la diminution des précipitations, génèrent un stress hydrique qui affaibli les arbres en général.
L’Epicéa y est particulièrement sensible à cause de son système racinaire superficiel qui jusqu’alors le rendait seulement sensible aux coups de vent.
Ainsi, l'Epicéa est pris en tenaille par le réchauffement climatique avec des étés chauds et secs et des hivers doux qui l’affaiblissent alors que ces facteurs favorisent le développement de ses prédateurs que sont scolytes et bostryches.
Le désordre organisé de la forêt meusienne
Les premières parcelles ravagées, après avoir ressemblées à une fantomatique troupe de squelettes gris, tous droits échappés des enfers, se transformèrent en un désert sec d’aiguilles, de lambeaux d'écorce et d'andains de branches broyées.
Pendant deux ans seuls les ronciers s’y aventurèrent puis ce furent des sureaux noirs et d’un coup la vie y explosa. Ce devient un fouillis inextricable ou les frênes communs, les érables, les noisetiers disputèrent aux premiers occupants chaque centimètre carré.
Il fallait se pousser du col pour prendre le soleil et l’air, aller plus vite, plus haut, pour échapper à la masse. J’ai décidé, sur cette parcelle de laisser faire, de ne pas décider qui avait droit de vie, toutes les essences cohabitent dans un désordre parfaitement organisé, chacune à sa fonction.
Dans une autre parcelle j’ai eu la joie de constater que la masse gris cendre des Epicéa “bostrychés” était de place en place zébrée d’orange, des Pins Sylvestre avaient fait de la résistance!
Ils avaient poussé, dissimulés par leurs compagnons résineux, ils étaient restés les seuls debout dans cette bataille funeste. Leur ombre et les échanges racinaires avec les Epicéa voisins permirent à quelque uns de survivre et former des ilots de ce beau vert émeraude.
Le champ de bataille ayant été débarrassé des cadavres des malheureux Epicéa, les quelques pins se sont avérés être d’excellents porte graines. Ils sont maintenant entourés d’une colonie de jeunes pins qui puisent dans les profondeurs du sol argilo-calcaire du plateau Meusien l’eau qui fait si cruellement défaut à leurs congénères.
Un récit historique
L'Histoire, avec un grand “H” retiendra des années 70, la fin des “trente glorieuses”, les années du premier choc pétrolier, celles du chômage de masse. La mienne, c’est l’erreur de croire que la nature peut-être dressée, obéir aux injonctions de l’homme.
Le tempo du profit et de la rentabilité n’est pas celui qui rythme la vie des arbres.
Les politiques actuelles devraient s’inspirer de celle menée au XVIIe siècle.
Colbert (alors principal ministre d'État de Louis XIV) a initié la rénovation et le reboisement de la forêt de Tronçais afin de créer une réserve de bois pour les chantiers de marine.
Certains lèvent les yeux au ciel, cet homme imaginait que trois siècles après lui on construirait encore des navires en bois!
D’autres lèvent eux aussi les yeux au ciel mais pour contempler la ramure majestueuse des chênes remarquables qu’il nous a légués.
Je fais partie de ces derniers.
Un grand merci à Didier pour ce beau témoignage qui nous permet d'en apprendre plus sur l'histoire de nos forêts.
Il est également un message d'espoir pour aider à reconstituer ce patrimoine boisé historique.
Le début de ce témoignage :
Témoignage rédigé par Didier, de l'équipe Run for Planet
Mise en page réalisée par Flora
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Stéphane (mercredi, 01 novembre 2023 13:56)
Bravo Didier
C est très instructif tant sur la nature que l histoire et nos errements
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